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et, assis sur nos couvertures, nous fîmes sécher devant la flamme nos mocassins fumants, piqués sur des bâtons, tout en allumant notre pipe vespérale.

Ce fut Lon qui, à brûle-pourpoint, me demanda :

— Tu ne la connaissais pas ?

Je fis de la tête un signe négatif.

— Tu as remarqué, sans doute, le flamboiement doré de sa chevelure, l’éclat de ses yeux et la fraîcheur merveilleuse de sa peau. Elle donne l’impression de la première lueur, chaude et rosée, des rayons de l’aurore. D’où le nom qui lui a été donné, de « Braise d’Or ». Jamais, rappelle-toi, tu n’as entendu parler d’elle ?

Je m’efforçai de réveiller mes souvenirs, qui demeurèrent confus et nébuleux. Ce nom ne m’était pas tout à fait inconnu, et pourtant il ne m’apprenait rien de précis.

— Braise d’Or, Braise d’Or… dis-je, enfin, cela ressemble à un nom de danseuse.

Lon secoua la tête.

— Tu n’y es pas. Pas du tout ! C’était une femme… je ne sais pas comment dire…

— Mais pourquoi parles-tu d’elle au passé, comme si elle était morte ?

— À cause des ténèbres qui se sont étendues sur son âme et qui sont l’égal de la mort. La Braise d’Or que j’ai connue, que tout Dawson a connue, n’est plus de ce monde. Rien ne subsiste, en la pauvre folle que nous avons vue hier soir, de l’ancienne Braise d’Or.

— Et Dave ? demandai-je.

Dave avait construit cette cabane, pour elle et pour lui. Lui est mort. Elle l’attend là, toujours, car elle n’est pas bien persuadée qu’il ne soit plus. Mais qui peut sonder le tréfonds d’une âme perdue ? Peut-être croit-elle vraiment qu’il n’est pas mort. Ce qui est certain, c’est qu’elle l’attend dans cette cabane