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rappelle plus exactement. Il y avait des joutes de pirogues sur le fleuve et des courses d’obstacles dans la Grande Rue. Fouillez vous-même vos souvenirs.

La terreur parut s’évanouir dans les yeux dilatés de la femme, et tout son être se détendit.

— Oui, oui ! s’écria-t-elle. Et vous avez gagné une course de pirogues… Je me souviens !

Lon Mac Fane continua, allègrement :

— Et comment vont les affaires de Dave, depuis que je ne l’ai vu ? Il continue, je suppose, à découvrir quelques bons filons.

Elle sourit doucement et fit de la tête un mouvement vague. Puis, remarquant que j’avais, durant ce dialogue, délié le paquet de nos couvertures, elle me désigna, de la main, un des côtés de la pièce où je pourrais les étendre, à l’opposé de sa propre couchette.

— Je croyais, dit-elle encore, que c’était Dave, quand j’ai entendu les abois de vos chiens.

Je m’étendis sur les couvertures, allumai ma pipe et me mis à réfléchir sur ce que je voyais. Il y avait du mystère en tout cela. Quel mystère ? Je l’ignorais. Pourquoi, diable, Lon ne m’avait-il pas mis au courant, avant notre arrivée dans cette cabane ?

Tout en fumant, et sans en avoir l’air, je scrutais le visage de la femme. Et, plus je la regardais, plus j’avais peine à en détacher mes yeux.

Ce visage était beau, parfaitement beau. D’une beauté presque surnaturelle, avec une lumière étrange qui l’animait, un quelque chose en lui qu’on avait l’impression de n’avoir jamais vu, nulle part ailleurs. Ses traits, maintenant, s’étaient détendus, la terreur qu’ils reflétaient, s’en était allée. Il était redevenu paisible et calme, avec une immense sérénité, si l’on peut appeler sérénité cette sorte de rayonnement mystique qui l’inondait.

Brusquement, la femme se tourna vers moi et me