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La porte s’ouvrit et la femme demanda aussitôt à Lon :

— Y a-t-il longtemps que vous avez vu Dave ?

— Très longtemps… répondit Lon, d’un air détaché. Je viens d’un tout autre côté, de Circle-City. Dave, n’est-ce pas, se trouve dans les parages de Dawson ?

La femme fit un signe d’assentiment et Lon Mac Fane commença à déharnacher les chiens, tandis que je détachais les traits du traîneau et transportais tout l’équipement dans la cabane. Celle-ci se composait d’une seule pièce, assez vaste, et tout portait à croire que cette femme y vivait seule.

Elle nous montra le poêle, où l’eau chantait dans la bouilloire, et Lon se mit aussitôt à préparer le souper. De mon côté, j’ouvris le sac de poissons séchés et distribuai leur nourriture aux chiens. J’attendais toujours que mon domestique me présentât à la maîtresse du logis, car la femme et lui semblaient être de vieilles connaissances. Mais il n’en faisait rien, et j’en étais un tant soit peu vexé.

J’entendis qu’elle lui demandait :

— Je ne me trompe pas, vous êtes bien Lon Mac Fane… Je vous remets maintenant. La dernière fois que nous nous sommes vus, c’était sur le pont d’un vapeur… Je me souviens. C’est bien cela, n’est-ce pas ?

Puis la parole parut se glacer soudain sur ses lèvres, une angoisse monta dans ses yeux. On eût dit qu’une vision d’horreur surgissait des profondeurs de son être.

Lon, que je ne croyais pas si sensible, parut tout ému. Son visage blêmit, quoiqu’il s’efforçât de répondre, avec une gaieté feinte :

— Mais non, mais non, pas du tout ! C’était à Dawson, le jour du Jubilé de Sa Majesté Britannique, ou celui des fêtes de son Anniversaire. Je ne me