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mon courage se brisa. Il agissait sur mes nerfs et les délabrait.

Durant l’été de 1899, je résolus de déguerpir. Sans en souffler mot à Stephen Mackaye, je pris donc mes cliques et mes claques.

J’avais, auparavant, mis en ordre mes affaires et je laissais, derrière moi, un petit mot, à l’adresse de Stephen, où je m’expliquais sur ma décision. Je joignais à la lettre un paquet de mort-aux-rats, avec la manière détaillée de s’en servir.

Lorsque je quittai le Klondike, je n’avais plus que la peau et les os, tellement je souffrais des nerfs. Parfois, quand on ne me voyait point, je faisais tout seul des pirouettes, comme un dément. Dès que j’eus rompu avec ce chien, je récupérai ma graisse, à vue d’œil.

J’avais déjà regagné vingt livres, avant d’être arrivé à San-Francisco. Ma femme me retrouva tel que j’étais parti et complètement redevenu mon vieux moi-même.

Une seule fois, je reçus des nouvelles de Stephen Mackaye. Sa lettre était quelque peu aigre-douce. Il trouvait excessif que je lui eusse laissé le chien sur les bras. Il ajoutait qu’il avait essayé de la mort-aux-rats, selon les instructions du papier, mais sans résultat.

Un an passa. J’avais repris mes habitudes, à mon bureau, et ma santé prospérait. Je commençais même à prendre un peu d’embonpoint.

Là-dessus, Stephen revint à son tour. Mais il ne vint pas me voir. Je lus son nom sur la liste des passagers récemment débarqués. Je l’attendis en vain et je me demandais ce que signifiait cette indifférence. Je ne fus pas long à me l’expliquer.

Comme je me levais un matin, je trouvai Spot, attaché avec une chaîne, à la barrière d’entrée de ma maison, et les dents plantées dans la culotte du laitier. Quant à Stephen Mackaye, je ne tardai pas à