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s’y débattait. Le coquin s’était fait prendre alors, sans doute, qu’il tentait de traverser le fleuve.

Stephen Mackaye et moi, nous en poussâmes de longs hurlements de joie. Nous jetions nos casquettes en l’air, nous dansions et, nous arrêtant de danser, nous nous embrassâmes mille fois. Tout cela parce que nous assistions, enfin, à la suppression du maudit chien. Il n’avait pas, pour s’en tirer, une chance sur un million. Pas une demi-chance. Et nous le vîmes, effectivement, disparaître dans le chaos des glaçons.

Le fleuve redevenu libre, nous le redescendîmes en canot, à la pagaie, jusqu’au Yukon. Nous fîmes halte, pendant une semaine, aux cabanes qui sont à l’embouchure de l’Henderson Creek, afin de nous restaurer un peu. Puis nous continuâmes le Yukon jusqu’à Dawson.

À Dawson, ce Spot nous attendait sur la berge, assis, les oreilles en arrêt, la gueule souriante, et frétillant de la queue. Son accueil fut d’un enthousiasme indescriptible. Comment s’était-il tiré de la débâcle ? Ce n’est pas à moi, vous le savez, qu’il faut le demander. Et il avait su que nous revenions à Dawson ! Il avait su l’heure précise, la minute exacte où nous arriverions et où il devait se trouver là !

Plus je songe à ce Spot, plus je suis persuadé qu’il existe des choses, en ce monde, qui dépassent l’entendement humain. Le cas Spot ne rentre dans aucune des données scientifiques connues. C’est un phénomène particulier, où il entre beaucoup d’au-delà, beaucoup de psychique et de métaphysique, et je ne sais quoi d’autre encore, qui est hors de ma portée.

Le Klondike est un beau pays. Je m’y trouverais encore à l’heure présente et, comme un autre, je serais en train d’y devenir millionnaire, n’eût été ce Spot.

Je supportai sa paresse durant deux ans. Puis tout