Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lèvres et, accélérant son allure, reprit sa marche à quatre milles à l’heure.

Pendant les deux heures qui suivirent, il rencontra encore plusieurs de ces trappes. La neige, légèrement affaissée à ces endroits, y prenait une apparence cristalline particulière, qui l’avertissait du péril.

Mais, comme un passage lui paraissait plus spécialement suspect, il contraignit le chien à marcher devant lui. L’animal, de plus en plus collé à ses talons, s’y refusa tout d’abord. Il fallut que l’homme le menaçât et le poussât en avant. Et, de fait, le chien, qui se hâtait, n’avait point parcouru la longueur d’une vingtaine de pas, qu’il enfonçait soudain et culbutait dans un trou d’eau. Il se remit vivement sur ses pattes et s’éloigna vers un sol plus solide.

Les pattes du chien avaient été mouillées et l’eau s’y était instantanément transformée en glace.

L’animal, se laissant tomber sur la neige, commença aussitôt à se lécher, puis, cette opération étant insuffisante, à enlever à coups de dents les lamelles de glace qui pendaient de tous ses poils. Un mystérieux instinct lui commandait d’agir ainsi. L’homme, qui savait qu’autrement la bête ne pourrait plus continuer son chemin, vint à son secours. Il sortit de la mitaine sa main droite et arracha aussi les glaçons. Il n’exposa pas ses doigts, plus d’une minute, à la morsure de l’air et fut stupéfait de l’engourdissement rapide dont ils étaient saisis. Oui, certes, il faisait grand froid. Il remit en hâte sa mitaine et se frappa violemment la main contre la poitrine.

À midi, la clarté atteignit son apogée. Le soleil, cependant, dans sa course hivernale, était trop loin vers le sud pour pouvoir surgir à l’horizon arctique. Le ciel était toujours pur et sans nuages, et pourtant le corps de l’homme ne projetait aucune ombre sur l’Henderson Creek.

À midi et demi précis, l’homme arrivait à la