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jaillissaient, en bouillonnant, des flancs des collines et se frayaient leur course sous la neige, pour rejoindre sous la glace le lit de la rivière et y continuer leur chemin. Même durant les plus grands froids, ces sources, que la neige et la glace protégeaient du contact de l’air, ne se prenaient jamais. Un grave danger en résultait et elles constituaient de vraies chausse-trappes.

La couche neigeuse, qui les recouvrait et dissimulait, était épaisse parfois de trois pouces seulement. Parfois aussi de trois pieds. Il arrivait encore qu’une série de nappes d’eau et de couches de glace se superposaient sous la neige. En sorte que si la carapace supérieure venait à s’effondrer, celles qui suivaient en faisaient autant, et quiconque tombait dans l’un de ces traquenards était exposé à se trouver dans l’eau jusqu’à mi-corps.

Telle était la cause de l’effroi qui, tout à l’heure, s’était emparé de l’homme.

Il avait senti la glace se dérober sous ses pas et entendu sous lui un craquement sinistre. Or, par cette température, avoir seulement les pieds mouillés pouvait être cause de graves et dangereux désagréments. Le moins, pour lui, qu’il en pût résulter, était de retarder son voyage, en l’obligeant à construire un feu, qui lui permît de se déchausser et de sécher à la flamme ses bas et ses mocassins.

L’homme s’arrêta de marcher, pendant un instant, et observa la configuration de la vallée. Il conclut que les sources devaient venir de la droite. Tout en continuant à se frotter de temps à autre le nez et les pommettes, pour tâcher d’y ramener le sang, il reprit sa route en appuyant vers la rive gauche du fleuve. Il allait avec précaution, éprouvant du pied à chaque pas la solidité de la glace. Puis le sol parut redevenir plus ferme et le danger disparaître. Il prit dans une de ses poches une nouvelle chique, la glissa entre ses