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quand il eut réveillé Fred Churchill, celui-ci avait le corps tellement raide que dix nouvelles minutes et un deuxième verre de whisky lui furent nécessaires pour qu’il pût rendre à ses articulations leur souplesse et quelque élasticité à ses muscles.

Il sortit brusquement et l’aubergiste qui le vit s’engager dans une fausse direction dut courir après lui pour l’orienter, dans la nuit, vers Canion City. Churchill, toujours comme en un rêve, s’élança sur la piste indiquée.

Un vague raisonnement, qui subsistait en lui, lui disait de se méfier. Il ne savait pas de quoi, bien exactement. Mais il pressentait un danger immédiat et, à tout hasard, il prit en main son revolver.

Il lui sembla voir deux hommes qui s’avançaient soudain vers lui, comme deux fantômes, et il les entendit qui lui criaient :

— Halte-là !

Il répondit en pressant quatre fois, dans leur direction, la détente de son arme. Il entendit également crépiter leurs revolvers et il sentit qu’il avait été atteint à la cuisse, il vit tomber un des deux hommes et l’autre s’élança vers lui. Alors, il écrasa d’un coup de crosse la figure de son agresseur ; puis, se détournant, se remit à courir.

Tandis qu’il descendait, en clopinant, la piste qu’il avait reprise, il se réveilla tout à fait. Sa première pensée fut pour le sac. Il était toujours sur son dos. Il était persuadé qu’il venait de traverser une sorte de cauchemar. Mais, ayant cherché son revolver à la ceinture, il constata qu’il ne l’avait plus. En même temps, il ressentit à la cuisse une brûlure cuisante et, ayant porté la main, il vit que sa main était tiède de sang.

La blessure était superficielle, mais bien réelle. Fred Churchill, de plus en plus réveillé, hâta le pas, autant qu’il put.