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suivaient, un court moment de désarroi, dont Morganson profita pour lâcher un second coup, à l’adresse, celui-là, de John Thomson. Il avait visé un peu bas. Atteint aux jambes, John Thomson chancela et tomba à la renverse sur le traîneau. Morganson tira de nouveau, et John Thomson ne fut plus.

Restait le Suédois qui, complètement affolé, au lieu de prendre rapidement la fuite vers Minto, décrivait sur place des cercles et des zigzags. Grotesque était le géant, avec la queue de sa longue pelisse, qui traînait dans la neige. Morganson, d’un mouvement balancé, tira sur lui, coup sur coup, à trois reprises, et trois fois le manqua.

Alors il réfléchit qu’il avait, en tout, tiré six cartouches et qu’une seule lui restait. Il devenait impérieux de ne point la gâcher.

Il quitta son embuscade et se rapprocha. Oleson, à son aspect, déguerpit à toutes jambes. Morganson sentait son doigt devenir gourd. À peine pouvait-il presser la détente.

— Dieu me soit en aide ! dit-il tout haut, dans une prière désespérée.

Et il lâcha son dernier coup.

Frappé dans le dos, Olson piqua du nez en avant.

Sa tête vint heurter la piste glacée. Il rebondit, puis retomba se roula plusieurs fois sur lui-même, en agitant les bras, puis ne bougea plus.

Morganson triomphait. Il laissa tomber son fusil, maintenant vide et inutile, et, ayant remis ses moufles, sous lesquelles il sentait se crisper ses doigts gelés, il fonça vers le traîneau sauveur. Comme il en approchait, les grognements de l’attelage le contraignirent à s’arrêter. Un molosse, de la race des terre-neuve, mâtinée de celle des chiens de la baie d’Hudson, était couché sur le cadavre du premier homme et, le poil hérissé, menaçait l’intrus de ses crocs décou-

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