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Il nettoya son fusil et compta les cartouches qui lui restaient. Il y en avait sept Il rechargea l’arme et alla reprendre son embuscade sur la berge du Yukon. Toute la journée, il demeura tapi dans la neige, en observant la piste déserte.

Rien ne vint, et pas davantage au cours de la semaine suivante. Mais, grâce à la viande, et quoique son scorbut empirât, lui causant d’intolérables douleurs, il avait repris quelques forces.

Outre les petits biftecks dont il se régalait, il se fabriqua, avec les os de l’élan, du bouillon, dont il buvait à satiété. À mesure qu’il pilait et écrasait les mêmes os, afin de les faire bouillir de nouveau, le potage se faisait aussi de plus en plus maigre. N’importe ! Morganson s’en arrangeait. Grâce à l’élan, son état général s’était, au total, sensiblement amélioré.

*

Ces huit jours écoulés, une nouvelle préoccupation vint troubler le cerveau de Morganson.

À quelle date se trouvait-on ? Le temps avait certainement marché, depuis son passage à Minto. Combien de temps exactement s’était-il écoulé ?

Cette curiosité, vaine en apparence, lui devint une obsession. Il se perdit en méditations et en calculs, dont la conclusion variait toujours. Le matin, en s’éveillant, la journée, en montant la garde sur la piste, le soir, avant de s’endormir, il en revenait sans cesse à cette idée fixe, qui ne le lâchait point. La nuit même, il s’éveillait et demeurait, des heures entières, les yeux grands ouverts, à chercher la solution de cet irritant problème.

Connaître cette date était sans aucun intérêt pratique. Il ne s’en butait pas moins à ce désir irraisonné qui en arrivait, chez lui, à dépasser en intensité le

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