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avait besoin pour le traîneau chargé de vie qu’il attendait.

Il prit méthodiquement la poursuite de l’énorme animal, qui laissait derrière lui une rouge traînée de sang. Il le rejoignit dans une clairière de sapins.

L’élan était à demi affaissé sur le sol. À l’aspect de l’homme, il se releva et se prépara à reprendre sa course. Mais Morganson dont la main tremblait terriblement, appuyant son fusil, pour mieux viser, sur le tronc d’un sapin tombé, risqua encore une balle.

Frappé à mort, l’élan exécuta en l’air, de ses quatre pattes, une cabriole formidable. Puis, quelques mètres plus loin, il retomba sur la neige, où il s’écrasa, la faisant voler autour de lui, telle une blanche poussière impalpable qu’aurait soulevée le vent.

Morganson se précipita vers l’animal abattu. Il le tenta plutôt. Car il n’avait pas fait deux pas qu’il tombait sans connaissance.

Lorsqu’il revint de son évanouissement, ce fut pour se traîner, sur ses genoux, vers le tronc de sapin et tenter de l’escalader.

Il y parvint après maint effort et, se raffermissant sur ses jambes vacillantes, il atteignit l’élan toujours gisant.

Lourdement, il se laissa tomber assis sur l’énorme carcasse, et se prit à rire comme un dément. Puis il enfouit sa figure dans ses mains, et derechef les éclats de rire recommencèrent.

Quand il eut réussi à calmer ses nerfs, il tira de sa gaine un couteau de chasse et s’attaqua à l’élan, aussi vite que le lui permettaient et son pouce gelé et son extrême faiblesse. Il ne s’attarda pas à dépouiller la bête, mais en découpa les morceaux avec la viande attenante encore à la peau. C’était bien là une vraie chair du Klondike !

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