Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une heure plus tard, il s’arrêtait. Un vallon, marécageux l’été, et planté de peupliers, faisait angle à cet endroit, avec la vallée du Yukon.

Vers la droite, en s’avançant un peu sur le marécage, on découvrait au loin la piste neigeuse, qui filait dans la direction de Selkirk. Vers la gauche, au contraire, dans la direction de Minto, une butte, couverte de sapins, interceptait la vue.

Morganson, laissant derrière lui son traîneau, vint examiner le site avec attention avançant et reculant alternativement, jusqu’à trouver un point qu’il jugea exactement propice.

Puis, satisfait de son inspection, il rebroussa chemin vers le traîneau, qu’il ramena avec lui.

La neige, non battue, était molle, et l’homme s’escrimait dur à la besogne. Les patins s’enlisaient à tout moment et, lorsque Morganson eut achevé les huit cents mètres qu’il y avait à parcourir, il haletait.

La nuit vint, tandis qu’il dressait sa petite tente parmi le boqueteau de peupliers, montait son poêle de tôle et préparait le bois du foyer.

Il fit cuire son ultime morceau de lard et avala, en guise de boisson, une potée de thé. Puis, comme il n’avait pas de chandelle pour pouvoir veiller, il rampa dans ses couvertures.

Au matin, et sitôt levé, il enfila ses moufles, descendit sur ses oreilles les rabats de sa casquette et, prenant son fusil, s’en revint vers le Yukon.

Il se tint sur le haut de la berge et observa du regard, durant un assez long temps, la piste vide. Il battait des mains, par moments, et frappait des pieds le sol, afin de maintenir la circulation du sang.

Quand l’heure du déjeuner fut arrivée, il regagna son campement. Ce qui restait de thé, dans la boîte de fer-blanc, était bien peu de chose. Une demi-douzaine209