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Subienkow, cependant, ne perdait pas son temps à choisir. Il ramassait tout ce qui lui tombait sous la main. Aiguilles de sapin, pellicules intérieures d’écorces de saule, une bande d’écorce de bouleau, quantité de baies et de mousses qu’il faisait, par ses gardiens, déterrer sous la neige, tout était bon. Quelques racines gelées, complétèrent sa provision et il revint au campement, en ouvrant la marche.

Makamuk et Yakaga s’accroupirent près de lui, en observant avec attention les ingrédients successifs qu’il jetait dans une marmite et à quelle dose.

— Remarquez-bien, observa complaisamment Subienkow, que j’ai commencé par ces petites baies, qui croissent sous la mousse… Parfait ! C’est parfait ainsi… Ah ! j’allais oublier. Il manque encore quelque chose. Le doigt d’un homme. Approche-toi, Yakaga, et laisse-moi te couper un doigt.

Mais Yakaga mit prestement ses mains derrière son dos et prit une mine renfrognée.

— Rien que le petit doigt… pria le Polonais.

Makamuk commanda :

— Yakaga, donne-lui ton doigt !

Yakaga grogna :

— Il ne manque pas de doigts autour de nous.

Et il montra, dans la neige, les débris humains de la vingtaine de voleurs de fourrures qui avaient été torturés à mort.

— Il faut que ce doigt provienne d’un homme vivant, objecta Subienkow.

— Tu auras ce que tu désires, dit Yakaga, allant vers le Cosaque qui lui trancha un doigt.

Il jeta son sanglant trophée dans la neige, aux pieds du Polonais, et annonça :

— L’homme n’est pas mort encore.

Et il ajouta :

— C’est un très bon doigt, car il est très grand.