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si vite ! Je l’ai achetée très cher et, cependant, elle s’est enfuie. Akoun, lui, n’a rien donné pour elle, et c’est après lui qu’elle court.

« Tandis que je la pourchassais, avant de la rejoindre ici, hommes du Mackenzie, j’ai beaucoup réfléchi à ce qu’il conviendrait de faire, le jour ou j’aurais mis la main sur elle. Pendant que vous prononciez votre sentence, j’y ai songé de nouveau et j’ai ruminé d’autres idées. Ma décision, maintenant, est prise et je vais vous en faire part. Quand, une fois, un chien s’est sauvé de chez son maître, il recommencera, c’est certain. On aura beau le ramener, il s’enfuira de nouveau, sans fin ni cesse. Si nous avons chez nous de pareils chiens, nous les vendons. El-Sou leur est en tout semblable. Je veux donc la vendre. Y a-t-il un amateur parmi les membres du tribunal ?

Les vieillards toussèrent et restèrent cois.

— Akoun l’achèterait bien, continue Porportuk. Mais il n’a pas d’argent. Aussi je lui donnerai El-Sou. Je la lui donnerai pour rien. Lui-même, au surplus, a déclaré qu’elle n’avait pas de prix. Dans un instant, je la lui remettrai.

Et Porportuk, se baissant vers El-Sou, lui prit la main. Puis, l’ayant relevée, il la conduisit vers l’endroit où Akoun était étendu sur le dos.

— Elle a, dit-il en la faisant asseoir devant le jeune homme, une mauvaise habitude. C’est de se sauver. Je t’en préviens honnêtement, Akoun. Elle m’a filé entre les mains, et il y a fort à parier qu’elle recommencera avec toi. Rassure-toi, cependant. Pareille mésaventure ne t’arrivera jamais, j’en fais le serment ! Je vais, dès maintenant, y mettre bon ordre. Elle a beaucoup d’esprit, et je l’ai appris à mes dépens. Mais de l’esprit, j’en ai aussi, et à revendre.

Chacun se demandait où Porportuk voulait en venir. On le vit s’accroupir et, prenant dans ses mains les deux pieds d’El-Sou les croiser l’un sur l’autre.