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Et son œil unique pénétrait en elle, comme une vrille de feu.

— C’est vrai… acquiesça-t-elle, en baissant la voix.

Puis, soudain, avec un cri ardent de tout son être :

— Mais je m’enfuirai encore ! Je m’enfuirai toujours !

— Cela, dit un autre juge, c’est l’affaire de Porportuk. Notre rôle, à nous, est de rendre un jugement équitable.

Et, se tournant vers Akoun :

— Toi, combien as-tu payé pour elle ?

— Rien du tout. Elle est au-dessus de toute estimation. Non, je n’ai pas apprécié sa valeur en poussière d’or, en chiens, en tentes, en pirogues et en fourrures !

Il y eut un conciliabule, marmotté à voix basse, entre les Anciens.

— Ces vétérans sont congelés déjà… dit Akoun, en anglais, à Porportuk. Je refuse d’accepter leur sentence. Si tu me prends El-Sou, tu peux être certain qu’un jour ou l’autre je te tuerai !

Les vieux s’arrêtèrent de discuter et lancèrent à Akoun un regard soupçonneux.

— Quel langage, inconnu de nous, parles-tu là ? demanda l’un d’eux. Et que dis-tu ?

— Il dit qu’il va me tuer, répondit Porportuk. Aussi feriez-vous bien de lui enlever son fusil et d’ordonner à quelques-uns de vos jeunes hommes de s’asseoir à côté de lui, afin qu’il ne puisse mettre sa menace à exécution. Tout blessé qu’il soit, ce serait plus prudent. Il est jeune, et nos vieux os ne comptent guère pour la jeunesse.

Akoun, allongé et impuissant, se vit donc enlever son fusil et son couteau, et une garde de plusieurs jeunes Indiens l’encercla.

Après quoi, le vieux borgne se leva, redressa son torse, du mieux qu’il put, et prononça :