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phant. Tu m’appartiens donc, comme m’appartiendrait un chien.

— Tout comme un chien… Nous sommes d’accord. Si c’était un autre homme qui m’eût achetée, j’eusse été l’épouse de cet homme, une bonne épouse. Telle était bien ma volonté. Mais je t’avais prévenu d’avance que jamais je ne serais ta femme, et tu l’as oublié. Par conséquent, je suis ton chien. Rien de plus.

Porportuk n’ignorait pas qu’il jouait avec le feu. Mais il se résolut à aller jusqu’au bout et répondit :

— Aussi n’est-ce pas à El-Sou que je parle. C’est à mon chien. Et je lui ordonne de me suivre.

Il s’avança, comme pour s’emparer d’El-Sou, et la saisit par le bras. Elle l’arrêta d’un geste.

— Pas si vite, Porportuk ! Tu achètes un chien. Le chien s’enfuit. Tant pis pour toi. Je suis ton chien, mais si je me sauvais…

— En tant que possesseur du chien, je te battrais.

— Oui, quand tu l’aurais attrapé…

— Quand je l’aurais attrapé.

— Eh bien, attrape-moi !

*

Il bondit vers elle. Mais, plus rapide, elle l’évita et se mit, en riant, à courir autour de la table.

— Arrête-la ! ordonna Porportuk à l’homme qui tenait le fusil et se trouvait du même côté qu’El-Sou.

L’homme voulut obéir. Mais le Roi indien le terrassa, incontinent, d’un coup de poing, bien appliqué sur l’oreille. L’homme chancela et lâcha le fusil, qui résonna sur le sol. L’instant, pour Akoun, était propice de tuer Porportuk. Il ne bougea pas, cependant, et la poursuite reprit.

Porportuk était vieux, sans doute. Mais la sobriété de ses mœurs l’avait conservé en bonne forme. Au lieu de courir autour de la table, il passa, d’un saut,