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L’affaire se corsait. El-Sou était maintenant évalué à trois mille dollars. Porportuk passa à trois mille cinq cents et fut tout abasourdi, lorsque son concurrent haussa, d’une seule enchère, à quatre mille cinq cents. Il en rajouta cinq cents autres et faillit suffoquer lorsque le Roi indien riposta par un nouveau millier de dollars.

Porportuk écumait. Grâce à son argent, il s’était cru toujours tout-puissant. Sa chute était lamentable. El-Sou n’était plus qu’un incident en cette joute. C’était sa propre réputation qui était en jeu. Tout cet or, amassé au cours d’une longue existence, par tant de privations et tant de nuits sans feu, était mûr pour entrer en danse.

De six mille dollars, El-Sou monta à sept mille. Puis, par enchères successives de mille dollars, qui se précipitaient sans répit, quatorze mille furent atteints. Les deux hommes ici, s’arrêtèrent pour souffler un peu.

Un troisième larron, auquel on ne s’attendait point, se mit alors de la partie. Le joueur professionnel flairant une bonne affaire, s’était syndiqué avec plusieurs autres assistants et ce fut lui, qui, dans le silence, lança tout à coup :

— Seize mille dollars !

— Dix-sept mille… émit faiblement Porportuk.

— Dix-huit mille ! beugla le Roi indien.

Porportuk rassembla ses forces défaillantes et articula :

— Vingt mille…

Le syndicat lâcha pied. Mais Porportuk et le Roi indien s’acharnèrent, avec une rage renouvelée. Tandis qu’ils se lançaient à la tête leurs enchères, Akoun, menaçant, se tournait alternativement vers l’un et l’autre, pensant que le moment approchait, et curieux de savoir qui des deux il aurait à tuer.

À vingt-trois mille, le Roi indien délia le revolver