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Un jour, après une description plus terrible des peines réservées à Klakee-Nah, El-Sou déclara à Porportuk :

— J’ai deux choses à te dire. La première est que je ne serai jamais ta femme. La seconde, que tu seras intégralement payé, payé jusqu’au dernier cent, de tes seize mille dollars.

— Quinze mille neuf cent soixante-sept dollars et soixante-quinze cents… rectifia Porportuk.

— Mon père a dit seize mille, répondit-elle. Tu seras payé.

— Comment ?

— Je l’ignore. Mais je trouverai cet argent. Maintenant va-t’en, et ne m’assomme pas davantage !

Et, comme Porportuk semblait vouloir répliquer :

— Si tu recommences, dit-elle, je te ferai, une fois de plus, rouler dans la neige !

Quelque temps passa encore. Puis un murmure se répandit, de Poste en Poste, de campement en campement, propagé tout le long du Yukon, en amont comme en aval du fleuve, des passes du Chilcoot jusqu’à la mer de Behring, qu’en juin prochain, à la pêche du premier saumon, El-Sou, la fille de Klakee-Nah, afin de se libérer de sa dette envers Porportuk, se mettrait elle-même en vente aux enchères publiques.

Tous les efforts tentés par les missionnaires du Poste, pour la dissuader de ce projet, furent inutiles. Invariablement, elle répondait :

— Seules, les dettes contractées envers Dieu se règlent dans l’autre monde. Ce que l’on doit aux hommes doit se payer ici-bas.

Akoun lutta, lui aussi, contre pareille idée.

— Je t’aime toujours, répliquait-elle. Mais l’honneur l’emporte sur l’amour. De quel droit consentirais-je à ce que soit salie la mémoire de mon père ?

Sœur Alberta fit le voyage tout exprès, de la