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Porportuk prit un air déconfit, et une explosion de rires sonores ébranla la salle.

Klakee-Nah leva les mains, pour obtenir le silence, et cria :

— Tu n’as pas l’air satisfait, Porportuk… Ce n’est point pourtant une plaisanterie, je t’assure ! Je te parle honnêtement, en toute franchise. Voilà pourquoi je t’ai mandé. Rédige ta note !

— Je ne fais pas d’affaires avec l’autre monde, répondit lentement Porportuk.

Le moribond jeta vers lui un regard sincèrement surpris et parut fort offusqué.

— J’ignore ce qui se passe dans l’autre monde, appuya Porportuk. Je traite mes affaires en celui-ci. C’est en celui-ci que je prétends être payé.

Klakee-Nah fronça le sourcil puis se mit à rire.

— Oui, oui, je sais, tu es un vieil avare, qui a toujours économisé son feu. C’est ton droit d’être payé ici-bas. Cette grande maison m’appartient. Je te la donne. Prends-la et brûle ta note à la flamme d’une de ces bougies.

Porportuk secoua la tête.

— Ta maison est vieille et vermoulue, et ne vaut pas une pareille somme, répondit-il.

— J’ai encore certaines mines d’or…

— Elles n’ont jamais rapporté un dollar.

— Il y a ma part de propriété du vapeur, Le Koyokuk. Il m’appartient pour moitié.

— Oui, mais il est au fond du Yukon.

Klakee-Nah eut un sursaut.

— Tu dis vrai, Porportuk ! Je l’avais oublié. Cela est advenu au printemps dernier, lors de la fonte des glaces.

Il resta un instant silencieux, paraissant réfléchir profondément. Tout le monde se taisait, les verres immobiles, attendant quelles paroles allaient tomber de ses lèvres.