Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dont Subienkow avait écopé, au cours d’une rixe, dans le Kamchatka.

« Le remède, tu le vois, ne vaut rien. »

Subienkow parut réfléchir, puis affirma :

— C’est un homme fort qui porta le coup. Il était plus fort que toi, plus fort que le plus fort de tes sujets. Et le coup, cependant, n’alla pas plus avant.

De l’extrémité de son mocassin, il poussa de nouveau le Cosaque, qui avait perdu toute conscience. Mais, spectacle horrifique, dans ce corps même, tout disloqué par la torture, la vie s’agrippait, pour souffrir encore et ne prétendait pas s’en aller.

— Le remède, d’ailleurs, poursuivit-il, était faible. Lorsque je le composai, il me manquait une certaine sorte de baies, qui faisaient défaut là où je me trouvais et qui, au contraire, abondent dans ce pays. Le remède, ici, aura toute sa force.

— Eh bien, je te laisserai remonter le fleuve, approuva Makamuk. Je te donnerai aussi et le traîneau, et les chiens, et pour guides les six hommes que tu désires.

— Tu es long à te décider, répliqua le Polonais impassible. Tu as offensé mon remède en doutant de lui et en rejetant, tout d’abord, mes conditions. Résultat : j’exige maintenant davantage. Je veux cent peaux de castor.

Makamuk grimaça.

— … Je veux cent livres de poisson séché.

Makamuk acquiesça de la tête, car le poisson séché abondait et valait peu.

— … Et j’exige deux traîneaux. Un pour moi, le second pour mes peaux de castor et mes poissons. Il faudra aussi me rendre mon fusil. Si ces conditions ne te conviennent pas, dans un petit moment elles auront grandi.

Yakaga alla chuchoter quelque chose à l’oreille du chef, qui demanda :