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les intérêts. Si bien qu’année par année, il engloutissait le total des biens du vieux chef.

Un moment arriva cependant où, comme il avait presque tout absorbé, il se risqua, un jour, à faire, devant El-Sou, quelques remarques sur le train somptueux, et bien inutile, de la maison. Mais il fut reçu de telle façon qu’il ne recommença pas une seconde fois ses observations. El-Sou, comme son père, était de sang noble, fort chatouilleuse aux reproches et planait de haut sur toutes ces questions d’argent.

Porportuk poursuivit donc, à contrecœur, ses avances, et tout son or continua à couler et à s’engloutir. El-Sou avait décidé que son père devait mourir comme il avait vécu. Il ne devait pas déchoir, de sa splendeur passée, vers une existence médiocre. Les bombances ne devaient pas se faire moins nombreuses. Sa large hospitalité ne devait point se restreindre.

Comme par le passé, quand il y avait famine, les pauvres Indiens qui venaient gémir dans la grande maison s’en retournaient contents. Si la famine se prolongeait et si l’argent manquait, on empruntait derechef à Porportuk, et les pauvres Indiens n’en pâtissaient point. Klakee-Nah, après d’autres grands de la terre, qui avaient vécu en d’autres temps et en d’autres lieux, aurait pu répéter à son tour : « Après moi le déluge ! »

Le déluge, dans la circonstance, c’était le vieux Porportuk.

À chaque nouvelle avance, il dardait vers El-Sou, dont il était follement amoureux, des regards plus enflammés, où se lisait une emprise plus proche. Mais El-Sou ne lui prêtait aucune attention. Pas plus qu’aux hommes blancs qui lui demandaient de l’épouser, avec l’anneau au doigt, le prêtre et la Bible.

Sa pensée allait vers un jeune Peau-Rouge, de sa race et de sa tribu, nommé Akoun, et qui vivait au Poste de Tana-Naw. Il lui apparaissait fort et beau,