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représentait le type classique de la beauté indienne, avec ses cheveux noirs et son teint bronzé, avec ses yeux de jais, étincelants et fiers, qui luisaient comme l’éclair d’une épée, avec son nez effilé, en forme de bec d’aigle, aux narines frémissantes, avec ses pommettes légèrement saillantes et ses lèvres qui étaient minces, sans excès.

Mais ce qui, surtout, frappait en elle, c’était l’indicible rayonnement qu’émettait tout son être, cette sorte de flamme inexprimable qui, tantôt comme un feu qui couve sous la cendre, s’épandait sur ses traits, en une chaude langueur, et tantôt illuminait son regard d’une braise ardente, brillait sur ses joues, dilatait ses narines et faisait palpiter ses lèvres.

El-Sou ne manquait pas d’esprit, d’un esprit qui rarement mordait au point de blesser, mais qui était prompt à discerner, pour en rire, tous les petits travers des gens. Elle était naturellement gaie, et volontiers engendrait la gaieté autour d’elle.

Quelle que fût, cependant, sa supériorité intellectuelle et morale, elle s’effaçait devant son père. Tout, ici, lui appartenait et, jusqu’à sa mort, il devait se sentir chez lui, ordonnant et commandant à tous, et présidant aux festins. Sans doute, les forces du vieillard décroissaient de jour en jour et de plus en plus. El-Sou devait prendre les rênes à ses mains défaillantes. Mais elle agissait en sorte que, vieille ruine rachitique écroulée, Klakee-Nah s’imaginait encore tout diriger devant sa table.

À tout bout de champ, apparaissait dans la grande maison la silhouette grondeuse de Porportuk, qui hochait la tête, en désapprouvant ce qui se passait, et déclarait, en grommelant, que c’était lui qui payait cette fête ininterrompue.

En réalité, il ne payait rien du tout, car il couchait soigneusement, par écrit, toutes les sommes qu’il avançait à Klakee-Nah, et en multipliait subtilement