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et jamais il ne put dire quel était celui des deux qu’il aimait le moins.

À l’automne, il fut délivré par un cotre garde-côte de la douane, qui le recueillit, et l’hiver le retrouva à San Francisco, où il fit sensation.

Marcus O’Brien, au cours de ses épreuves, a trouvé, en effet, sa vocation : conférencier abstentionniste. Et il prêche en faveur de la tempérance. « Évitez la bouteille ! » est son cri de guerre et l’étendard de son ralliement. Il excelle à faire passer un frisson parmi ses auditeurs quand il leur expose que dans sa vie un grand désastre est survenu, à cause de cette maudite bouteille. Il ajoute, à mots couverts, que, par l’opération infernale du diable, il a perdu une grosse fortune. Et, parmi les auditeurs, il n’en est pas un qui ne comprenne que l’auteur de cette calamité était caché dans une bouteille de whisky.

Marcus O’Brien a réussi, dans cette vocation nouvelle, au-delà de ses espérances. C’est aujourd’hui un homme grisonnant et qui fait autorité dans la croisade contre les boissons fortes.

Mais, sur le Yukon, l’histoire de sa disparition est passée à l’état de légende. C’est un mystère qui va de pair avec celui de la perte, dans les mers polaires, du célèbre explorateur anglais, sir John Franklin.


NOTES