Page:London - Constuire un feu, nouvelles, trad Postif et Gruyer, 1977.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.

fouet pleuvaient sur leur dos, appliqués par la main de fer des écumeurs des mers. Beaucoup d’entre eux s’enfuirent et, quand on les rattrapait, on les ramenait au fort, pour les coucher par terre, bras et jambes en croix, et enseigner sur eux, à leurs frères, l’efficacité du knout. Il y en eut qui en moururent. D’autres survécurent et, satisfaits de la leçon qu’on leur avait inculquée, ne se sauvèrent plus.

La neige d’hiver commençait à tourbillonner avant que le fort fût complètement achevé. C’était la saison des fourrures qui arrivait, et un énorme impôt en fut prélevé sur la tribu. Les coups de fouet continuèrent à pleuvoir, pour le faire rentrer, et l’on prit pour otages, jusqu’à son paiement complet, les enfants et les femmes, qui furent traités avec toute Ia barbarie nécessaire.

*

On avait semé le sang et la haine, et le temps de la moisson était venu.

Le fort était tombé et avait été livré aux flammes. À la lumière de l’incendie, la moitié des aventuriers avait été abattue. L’autre moitié avait été passée à la torture. Seul Subienkow demeurait, ou plus exactement Subienkow et le gros Ivan : s’il était permis de donner encore ce nom à ce qui se lamentait et agonisait dans la neige.

Sur la face ricanante de Yakaga, les balafres des anciens coups de fouet étaient encore visibles. L’Indien allait appliquer sa revanche et Subienkow, après tout, ne pouvait pas lui en vouloir. Mais la torture l’épouvantait. Il songea à s’adresser à Makamuk, le chef de la tribu, et à le prier d’intercéder pour lui. Mais il sentait bien l’inutilité d’une telle prière. Il songea aussi à faire éclater ses liens et à s’engager dans une lutte à mort avec ses bourreaux. Cette fin