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« Braise d’Or, m’ayant aperçu, m’appela, me tendit la main et me présenta au comte. Je raffolais d’elle plus que jamais. Elle plongea son regard dans le mien et me demanda, en souriant, de lui servir de témoin. Impossible de refuser. Elle était demeurée l’enfant cruel, cruel comme tous les enfants, qu’elle n’avait jamais cessé d’être. Elle ajouta, avant de me donner le temps de répondre, qu’elle possédait les deux seules bouteilles de champagne qui restaient à Dawson, lors de son départ, et qu’elle m’invitait à boire à sa santé et à celle de son mari.

« Sur le pont du vapeur, tout le monde s’était tassé autour de nous, le capitaine au premier rang, dans l’espoir, je pense, de décrocher un verre de champagne.

« Pour un mariage point banal, c’en était un. Sur la passerelle, qui dominait la grande cabine, se pressaient, en regardant la scène au-dessous d’eux, tous les malades et moribonds, vrai et pitoyable public d’hôpital. Sur le pont, se mêlaient aux autres passagers, et s’écrasaient pour voir, de grands Indiens, avec leurs squaws et leurs papooses[1], et des tas de chiens de traîneaux, enchevêtrés dans les jambes des gens, et qui ne cessaient de grogner entre eux.

« Le missionnaire fit s’avancer ensemble les deux fiancés et entama la divine cérémonie.

« Juste à ce moment, une querelle s’engageait entre Pee-lat et un énorme chien à poils blancs, qui appartenait à l’un des Indiens et était venu asticoter le husky, près de la boîte. Les bêtes tout d’abord, se contentèrent de grogner et de se montrer les dents, en se menaçant mutuellement, et en se disant des tas de choses désagréables. Ce n’était encore qu’un bruit sourd, qui portait sur les nerfs, mais que dominait la voix du missionnaire.

« Il était difficile de parvenir jusqu’aux deux bêtes, pour les faire taire. Mais rien de grave ne serait

  1. Noms des enfants indiens.