Page:London - Belliou la fumée, trad. Postif, 1941.djvu/76

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
BELLIOU-LA-FUMÉE

— Vous voulez dire qu’il faut partir ce soir, tout de suite ? »

Kit fit oui de la tête.

« Debout les dormeurs ! » rugit le Courtaud en commençant à défaire les cordeaux de la tente.

Les deux autres s’éveillèrent, exhalant l’angoisse de leurs muscles raidis et de leur sommeil interrompu.

« Quelle heure est-il donc ? demanda Stine.

— Huit heures et demie.

— Il fait encore nuit. »

Le Courtaud fit sauter deux cordeaux, et la tente se mit à ballotter.

« Ce n’est pas le matin, dit-il, c’est le soir. Dépêchez-vous. Le lac est en train de geler. Il faut que nous le traversions. »

Stine se redressa avec une expression d’amertume et de colère.

« Laissez-le geler. Nous ne bougerons pas.

— Très bien, dit le Courtaud. Nous nous en allons avec le bateau.

— Vous êtes engagés…

— Pour vous mener à Dawson, interrompit le Courtaud. Eh bien, nous vous y menons, n’est-ce pas ? »

Il ponctua son interrogation en abattant une moitié de la tente sur leurs têtes.

Ils se frayèrent un chemin en brisant la glace mince du petit havre, puis débouchèrent dans le lac, où l’eau lourde et vitreuse gelait à chaque coup sur leurs avirons. Elle ne tarda pas à s’épaissir comme une purée, entravant l’effort des rames et se figeant dans l’air à mesure qu’elle en dégouttait. Puis une pellicule commença à se former à la surface, et la barque avança de plus en plus lentement.

Souvent par la suite, en essayant de se remémorer