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BELLIOU-LA-FUMÉE

— Continuons ! cria le Courtaud. Taillez la glace ; et quand vous vous sentirez mieux, vous pourrez me remplacer. »

Quand, au prix d’efforts inouïs, ils eurent réussi à s’approcher de la rive, ils la trouvèrent constituée de falaises et de rochers battus par les vagues, sans atterrissage possible.

« Je vous le disais bien ! pleurnicha Sprague.

— Vous n’avez pas même regardé, répondit le Courtaud.

— Nous voulons nous en retourner. »

Personne n’ajouta mot. Kit maintint l’embarcation dans les eaux agitées qui enveloppaient la rive inhospitalière. Parfois ils n’avançaient que d’un pied à chaque coup de rame, et parfois deux ou trois leur suffisaient à peine pour demeurer sur place. Il encourageait de son mieux ces deux êtres chétifs, leur faisant remarquer que les bateaux qui avaient atteint le rivage n’étaient jamais revenus, d’où il fallait conclure qu’ils avaient trouvé un abri quelque part.

« Si vous versiez dans vos avirons un peu de ce café que vous dégustez dans vos couvertures, nous en viendrions à bout, déclara le Courtaud en guise d’exhortation. Mais vous vous contentez de faire les mouvements sans y mettre un brin de nerf. »

Quelques minutes après, Sprague rentra son aviron.

« Je suis à bout, dit-il avec des larmes dans la voix.

— Nous autres aussi, répondit Kit, exaspéré lui-même par la fatigue à tel point qu’il se sentait prêt à pleurer ou à tuer quelqu’un. Mais nous continuons en dépit de tout.

— Nous retournons. Virez de bord.

— Le Courtaud, s’il ne veut pas ramer, prenez l’aviron vous-même, ordonna Kit.