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BELLIOU-LA-FUMÉE

étrange afflux de chaude sympathie pour cet homme qui, ne sachant pas nager, ne savait pas non plus reculer.

Le rapide devint plus raide et les embruns se mirent à voler. Dans l’obscurité croissante, Kit entrevit la Crinière et le détour du courant qui y portait. Il dirigea la barque dans ce coude et ressentit un frisson de plaisir quand le bateau aborda la Crinière en plein milieu. Après cela, bondissant et plongeant et suffoqué par le brouillard, il ne conserva d’autre impression nette que la volonté de peser de tout son poids sur la godille qui servait de gouvernail et le regret que son oncle ne fût pas là pour le voir.

Ils émergèrent hors d’haleine, trempés, avec le canot inondé presque jusqu’au plat-bord : de légères pièces de bagages flottaient à l’intérieur. Quelques coups de pagaie donnés judicieusement par le Courtaud dirigèrent la barque dans le courant du remous, qui se chargea de l’amener doucement jusqu’à la rive. Mme Breck les regardait d’en haut. Sa prière avait été exaucée, et son visage était baigné de larmes.

« Mes enfants, il faut absolument que vous preniez cet argent ! » leur cria Breck.

Le Courtaud voulut se lever, mais glissa et s’assit dans le baquet, qui en conséquence plongea un bordage sous l’eau puis se redressa.

« Au diable l’argent ! déclara-t-il. Sortez ce whisky. Maintenant que c’est fini, je commence à avoir froid aux pieds, et, pour sûr, je risque de m’enrhumer. »