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BELLIOU-LA-FUMÉE

ayons la chance d’attraper le vapeur, nous serons à San Francisco dans une semaine.

— Êtes-vous satisfait de vos vacances ? » demanda Kit d’un air de politesse absente.

Leur campement de la veille au Linderman n’était qu’une triste relique. Tout ce qui pouvait servir, y compris la tente, avait été emporté par les cousins. Une bâche en haillons, tendue en guise de brise-bise, les abrita imparfaitement contre les tourbillons de neige. Quant au dîner, ils le firent cuire sur un feu en plein air dans une paire de casseroles cabossées et abandonnées. Il ne leur restait que leurs couvertures et des victuailles pour quelques repas à peine.

Depuis le départ des cousins, Kit semblait absorbé et inquiet. Son oncle remarqua cet état d’esprit et l’attribua au fait qu’il avait atteint le terme de ses labeurs. Kit ne parla qu’une fois pendant le repas.

« Avunculaire, dit-il à propos de rien, à dater de ce jour je voudrais que vous m’appeliez la Fumée. J’ai fait de la fumée, sur cette piste, n’est-ce pas ? »

Quelques minutes après, il s’écarta dans la direction du village de tentes où s’abritaient les chercheurs d’or encore occupés au paquetage ou à la construction de leurs bateaux. Son absence dura plusieurs heures et quand il revint se glisser sous les couvertures, Jean Belliou dormait déjà.

Dans la pénombre d’un matin de tempête, Kit se leva en chaussettes, construisit un feu, y fit dégeler ses souliers, puis bouillir du café et frire du lard. Ce fut un repas misérable. Tout de suite après, ils bouclèrent leurs ballots. Au moment où Jean Belliou se détournait pour prendre la tête dans la direction de la piste du Chilcoot, Kit lui tendit la main.

« Adieu, avunculaire », dit-il.