pour l’avenir la devise « longues étapes et longues pauses ».
La pente du Chilcoot justifiait pleinement sa réputation, et en maintes circonstances Kit dut grimper avec les mains autant qu’avec les pieds. Mais lorsqu’au plus épais d’une tourmente de neige il atteignit la crête, ce fut en compagnie de ses Indiens, et il s’enorgueillit secrètement de s’en être tiré comme eux, sans se plaindre ni rester à la traîne. Valoir un Indien, c’était une nouvelle ambition à choyer.
À peine eut-il payé et congédié les porteurs que la soirée orageuse s’obscurcit tout à fait, et il se trouva seul, à trois cent cinquante mètres au-dessus de la ligne des hautes futaies, sur l’épine dorsale d’une montagne, trempé jusqu’à la ceinture, affamé et exténué. Il eût volontiers donné une année de son revenu pour un bon feu et une tasse de café, mais il dut se contenter de dévorer une demi-douzaine de galettes froides et de se glisser entre les plis d’une tente en partie déroulée. Avant de s’assoupir, à peine eut-il le temps de formuler une pensée vacillante, et il grimaça avec un malin plaisir en se représentant Jean Belliou, en train, pour quelques jours, de hisser virilement ses quatre cents livres au sommet du Chilcoot. Quant à lui-même, bien qu’avec un fardeau de deux mille livres, il n’avait plus qu’à descendre la montagne.
Le lendemain matin, raide de fatigue et engourdi de froid, il se dégagea de la toile, mangea une couple de livres de lard cru, se boucla sur le dos un sac de cent livres, et descendit la pente rocheuse.
Quelques centaines de mètres plus bas, la piste s’engageait à travers un petit glacier avant d’aboutir au lac du Cratère. D’autres porteurs étaient en train de traverser la glace. Kit employa toute cette journée