— Qu’est-ce que cela t’a rapporté ?
— De la gloire.
— Et tu as su nager ; et tu as essayé de monter à cheval ! Jean Belliou reposa son verre avec une violence inutile. À quoi es-tu bon sur terre, en définitive ? Tu as reçu une bonne instruction ; et encore à l’Université tu ne jouais pas au football ; tu ne faisais pas de canotage ; tu ne…
— J’ai fait de la boxe et de l’escrime, un peu.
— Quand as-tu boxé pour la dernière fois ?
— Jamais depuis. On me considérait comme bon arbitre pour le temps et la distance. Seulement on me regardait comme… hem…
— Continue.
— Comme manquant de persévérance.
— C’est-à-dire comme paresseux.
— J’ai toujours pensé que c’était un euphémisme.
— Mon père à moi, votre grand-père, monsieur, le vieil Isaac Belliou, a tué un homme d’un coup de poing quand il était âgé de soixante-neuf ans.
— L’homme tué ?
— Non, non… espèce de chenapan ! à cet âge-là, toi, tu ne pourras même plus tuer un moustique.
— Les temps sont changés, ô digne avunculaire. Maintenant l’homicide est puni de prison.
— Ton père faisait à cheval trois cents kilomètres sans dormir et crevait trois chevaux sous lui.
— S’il vivait de nos jours, il parcourrait la même distance en ronflant dans un wagon Pullmann. »
Le vieux monsieur faillit étrangler de colère ; mais il ravala son courroux et réussit à articuler :
« Quel âge as-tu ?
— J’ai tout lieu de croire que…
— Je sais : tu as vingt-sept ans. Tu en avais vingt--