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BELLIOU-LA-FUMÉE

veux savoir. Ce qui t’embête, le Courtaud, c’est que tu es jaloux parce que je vais dans le grand monde et que tu n’es pas invité.

— Est-ce que tu n’es pas un peu en retard ? demanda le Courtaud avec intérêt.

— Comment cela ?

— Dame, pour déjeuner ! Ils seront en train de dîner quand tu arriveras. »

La Fumée allait expliquer, avec force sarcasmes, la métamorphose du vulgaire déjeuner en festin aristocratique, quand il surprit une lueur dans l’œil de son camarade. Il continua donc à s’habiller en silence, et de ses doigts, redevenus malhabiles, il fit un nœud coulant à une cravate Windsor sur le col mou de sa chemise de coton.

« Je regrette d’avoir envoyé toutes mes chemises empesées chez la blanchisseuse, murmura le Courtaud avec sympathie. J’aurais pu t’en prêter une. »

À ce moment la Fumée s’évertuait contre une paire d’escarpins où ses grosses chaussettes de laine se refusaient à entrer. Il jeta un regard suppliant au Courtaud, qui hocha la tête.

« Rien à faire ! Si j’en avais de minces, je me garderais bien de te les prêter. Reprends tes mocassins, mon ami. Pour sûr, tu te gèlerais les orteils dans des chaussures de fantaisie comme ça.

— Je les ai payées quinze dollars d’occasion, gémit la Fumée.

— Je te parie qu’il n’y aura pas un type sans ses mocassins.

— Mais il doit y avoir des dames, le Courtaud. Je vais m’asseoir à table avec Mme Bowie et plusieurs autres, m’a dit le colonel.

— Eh bien, des mocassins ne leur couperont pas