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LE RÊVE DU COURTAUD

I

« C’est drôle que tu ne joues jamais, disait le Courtaud à la Fumée, un soir, à la Corne d’Élan. Est-ce que tu n’as pas cela dans le sang ?

— Si : mais j’ai les statistiques dans la tête, répondit la Fumée. Quand je risque mon argent, je veux que ce soit à chances égales. »

Tout autour d’eux, dans le vaste bar, résonnaient les cliquetis, râtelages et roulements d’une douzaine de tables de jeux, où des gens vêtus de fourrures et chaussés de mocassins tentaient la fortune. La Fumée les engloba d’un geste large.

« Regarde-les, dit-il. C’est une certitude toute mathématique qu’ils perdront plus qu’ils ne gagneront ce soir, et que la plupart perdent en ce moment même.

— Pour sûr, tu es fort en chiffres, murmura le Courtaud avec admiration. Et, à tout prendre, tu as raison. Mais il existe aussi des faits, et un fait positif, c’est les séries de veine. Il y a des moments où le premier venu gagne, et je le sais par expérience : plus d’une fois, dans des jeux de ce genre, j’ai vu sauter la banque. La seule manière de gagner est d’attendre que