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moins fantasque. Or, tous mes rêves se trouvaient en contradiction avec cette loi. Dans mes rêves, jamais je ne vis rien de ce qui m’entourait pendant la journée. Ces deux existences absolument distinctes ne présentaient rien de commun, en dehors de ma personne ; je formais en quelque sorte le trait d’union entre ces deux vies.

De bonne heure dans mon enfance, j’appris que les noix venaient de chez l’épicier, les cerises de chez le fruitier, mais longtemps auparavant j’avais, en rêve, cueilli des noix sur les arbres, ou je les avais ramassées à terre sous les noyers et j’avais dévoré des baies récoltées par moi sur les vignes et les buissons, alors que pareille expérience ne m’était encore jamais arrivée dans la vie normale.

Je n’oublierai jamais la première fois qu’on me servit des myrtilles sur notre table familiale. Je n’avais pas encore vu ces fruits, et pourtant leur seul aspect éveilla en moi le souvenir de mes rêves où j’errais à travers des régions marécageuses en me gavant de ces baies noires. Ma mère m’en tendit une