Page:London - Avant Adam, 1974.djvu/74

Cette page n’a pas encore été corrigée

Jamais Dent-de-Sabre n’avait essuyé de la part d’êtres si petits et si faibles pareille humiliation. Tourné vers nous, dans une attitude grotesque, il nous regardait, les crocs découverts, fouettant l’air de sa queue et happant les cailloux qui tombaient à côté de lui. À l’instant précis où je lançai une pierre dans sa direction, l’animal leva la tête et la reçut en plein sur le mufle. Rugissant de colère et de douleur, il bondit en l’air et sauta des quatre pattes à la fois. Accablé sous la défaite, il recouvra néanmoins sa dignité et s’éloigna bientôt d’un pas solennel sous l’avalanche de nos projectiles. Il fit halte au milieu de l’espace découvert et nous décocha un regard avide, chargé de haine et de dépit ; il lui répugnait visiblement de s’en aller, le ventre vide, et de renoncer au si plantureux repas que nous représentions, acculés sur notre rocher, mais inaccessibles.

À le voir, nous éclatâmes de rire, d’un rire bruyant et moqueur. Or, les animaux détestent la moquerie ; rien n’excite plus leur colère. Notre hilarité irrita à tel point Dent-de-Sabre qu’il se rua de nouveau vers la falaise,