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L’AGONIE

vec une satisfaction de parvenu poussah qu’il était, de parvenu poussah qui, mal réveillé de sa sieste, s’épongeait le front d’un pan de son vêtement écarlate, lui tombant du col aux pieds et touchant à peine aux replis adipeux de sa peau, dans un traînassement, sur le gravier des allées, de sa sandale de cuir jaune.

Le jardin, avec ses lauriers-roses et ses caroubiers, avait beaucoup de coins ombragés, rayés de feuilles pleurant pendant la chaleur de l’été ; d’introublés massifs de buis et de romarins taillés en urnes, en pyramides, en grandes lettres latines, en œdicules égyptiens, en mirifiques candélabres se suivant dans des sentiers coupés de ruisselets et de viviers bas. Il était tout extraordinaire, avec son accumulation de statues de marbre et de bronze, aux coudes se touchant tant il y en avait dans l’espace relativement étroit : des gladiateurs, des orateurs en toge, un empereur lauré, une Vénus qui tendait des seins rigides ; puis des bustes sur des socles, des kiosques quelconques bordant des jets d’eau que dégorgeaient des canards de terre cuite figés en des vases de stuc, puis des treillages et des charmilles désordonnées sous lesquels des bancs de pierre, dans un plein soleil qui faisait brasiller une herbe drue.

Par des trous de végétations perçaient des coins de la ville reposés sur le rivage approchant ; des villas d’opulents citoyens à terrasses blanches et roses ; des rubans de voies droites que coupaient des attelages de bœufs traînant des chars à roues pleines ; et, plus au loin, des bouts de mer cyanurée sur lesquels poussaient leur rostre, comme un soc, des navis à un seul mât, dont les rames courtes avaient des mouvements réguliers de bas en haut, de haut en bas.

Des esclaves dévêtirent Atillius et Madeh au caldaire, et répandirent sur eux l’eau du labrum, dégageant une buée bleutée, qui ablua la mosaïque confuse du parquet. Le frigidaire les sollicita par son bassin, où ils se plongèrent. Au lépidaire, ils furent frictionnés avec un strigile et essuyés avec des serviettes chaudes, pendant qu’on les oignait d’huiles et d’onguents, qu’on nettoyait leurs ongles, qu’on versait sur leurs mains et leurs pieds moites des fioles de