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L’AGONIE

d’Émesse, avec Sœmias, Mœsa, son cortège de prêtres du Soleil, ses Mages énigmatiques, son armée d’Orientaux et les familles romaines ayant épousé sa cause, il allait vivre d’une excessive vie avec Atillius que le nouvel empereur envoyait auprès du Sénat pour le préparer à son avènement. Combien il eût préféré le ciel d’Émesse, le palais de son maître, qui s’ouvrait sur une allée de salsolas et de cactus, en des jardins étagés de terres rouges qu’une colossale création emplissait de fleurs larges comme des lunes, de lotus, de roses, de lis et d’ilex ! Passif de corps mais ductile de cerveau, il avait des penchants au rêve, comme les Orientaux. Aussi, l’activité de Rome l’effrayait et lui préferaît-il instinctivement, la vie de là-bas, doucement semée de voluptés et de calmes, et coupée de sacrifices au Soleil, le dieu syriaque sous figure de pierre noire ; le dieu phénicien Hel, le dieu crétois Alelios, le dieu gaulois Belen, le dieu assyrien Bel, le dieu grec Helios et le dieu romain Sol, que l’Empire allait désormais adorer dans Élagabalus.

La ville, qu’ils abordèrent par un pont de barques sans parapet, avec ses voies étroites de maisons de briques rouges et jaunes, ressemblait à un filet percé par des carrés de forums et de jardins, de palais à colonnades, d’arcs dont les bas-reliefs de bronze luisaient au soleil blanc, de thermes à portiques, de temples, de deux casernes où des pilastres de stuc rouge et jaune portaient des trophées, d’hôtelleries et de boutiques de meubles, d’étoffes et de denrées que de loin on voyait extraordinairement animées. Elle fourmillait d’Italiques affairés, — quelques-uns soupesant des échantillons de blé dans le creux de leurs mains, — de marins qui s’échappaient en chantant des thermopoles, auberges où ils avaient bu des boissons chaudes fermentées ; de patriciens qui se rendaient aux bains, dans un cortège tumultueux de parasites disputeurs. De riches matrones filaient en des litières dont les carreaux de talc faisaient des resplendissements clairs ; des affranchis se poussaient entre des flots d’esclaves, pour qui ils étaient fiers, et de citoyens, lentement circulant, pour qui ils restaient humbles ; des marchands causaient haut, et, parmi