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DISSERTATION QUATRIÈME.

manière générale par ces mots, De Romanis[1] vero vel litis hœc lex de medietate solvatur ; et plusieurs dispositions de la loi la répètent.

C’est sur cette double dénomination, ingenui et liti, que je croîs devoir fonder la division des hommes libres, c’est-à-dire non esclaves, en deux classes qui feront l’objet des deux chapitres suivants.

CHAPITRE 1er.— des ingénus.

J’éprouve une sorte de nécessité d’expliquer et de justifier les motifs qui m’ont décidé à adopter la dénomination d’ingénus que je donne aux hommes dont il va être question dans ce chapitre. J’aurais pu choisir le mot citoyen qui dans le langage moderne, serait le véritable. C’est ainsi que l’article 7 de notre code, désignant par le mot Français tous ceux qui ont la jouissance des droits civils, déclare que cette qualité diffère de celle de citoyen dont les effets sont réglés par la loi politique ; que, d’un autre côté, celle-ci détermine les conditions requises pour être citoyen, et notamment qu’elle en exclut des personnes en état de domesticité.

Je ne considère donc point comme synonymes les mots libres et ingénus, quoique la pauvreté du langage ou le peu d’exactitude des écrivains les ait ait souvent fait employer l’un pour l’autre. Par libres, j'entends tous les hommes qui n’étaient pas esclaves ; par ingénus, j’entends les hommes nés de parents qui ne reconnaissaient aucun maître, et qui, eux-mêmes, ne sont tombés ni dans l’esclavage, ni dans une dépendance qu’exprime la formule 44 de Sirmond, par les mots in obseguio et servitio alterius, ingenuili ordine ; je donne aux autres le nom de lites, expression dont se sert la loi Salique.

Les ingénus, tels que je viens de les définir, constituaient seuls le corps politique appelé tribu ou nation ; en eux résidait la souveraineté, qu’ils exerçaient par la participation aux délibérations nationales, où étaient faites les lois et réglés les intérêts généraux ; à celles des Mâls de chaque arrondissement, où se traitaient les intérêts de localité, et où se rendaient les jugements civils et criminels.

Ces ingénus avaient seuls le droit et le devoir de former l’armée nationale ; si les lites, dont je parlerai dans le second chapitre, allaient à la guerre, c'était comme dépendants, et comme recevant les ordres des ingénus, sous la puissance desquels ils étaient.

  1. On verra dans la dissertation sixième que les Romains ne recevaient jamais que la moitié de la composition d'un ingénu franc.