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qu’ici je n’ai pu trouver qu’une explication. Le gouvernement japonais est écrasé par la supériorité de la civilisation européenne. Il a une très grande peur de voir cette supériorité comprise par son peuple, de voir le respect pour la vieille Europe passer dans les rangs du peuple. Nous connaissons plusieurs Japonais qui ont été emprisonnés pour avoir, par oubli, parlé avec respect de l’étranger en général ou de tel étranger en particulier. Un fonctionnaire japonais sera poli avec vous dans l’intimité, sans témoins ; mais, devant le peuple, il devient aussitôt insolent, et prend envers vous le rôle d’un maître envers son esclave.

Le Japonais gouvernemental craint deux choses : le canon de l’Europe, et surtout et avant tout l’idée européenne. Je n’entends pas parler ici du christianisme, mais des idées politiques et sociales de l’Europe. On a représenté l’échafaudage gouvernemental du Japon comme extrêmement solide ; c’est là une grande erreur : nous sommes convaincus que la machine politique et administrative est si mal montée, que l’idée européenne seule suffirait en quelques années pour révolutionner le pays. En effet, sur quoi s’appuie la société ? sur des distinctions de castes écrasantes, maintenues par une force impitoyable qui s’appuie elle-même sur l’espionnage d’abord puis sur une épouvantable délation.

On a cherché à établir des comparaisons entre le peuple japonais et le peuple chinois, et cela pour donner invariablement la préférence au premier. Il est convenu qu’il faut rire des ombres chinoises, tandis qu’on n’a que des paroles de respect pour le Japonais. Il est reçu qu’il n’y a rien de ridicule, rien de blâmable chez ce peuple modèle. Je dois avouer que malgré mes