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l’Espagne, le Portugal et l’Italie. Calculez un instant les distances, incommensurables pour ainsi dire, qui nous séparent du centre de l’Asie : par la voie de terre, l’Allemagne, l’Autriche, la Russie et les steppes sans bornes, puis le mur des montagnes asiatiques, dont le versant vous jette dans la Sibérie. Là, figurez-vous un pays inculte, couvert çà et là de forêts sauvages et rabougries, puis des terres incultes, qui étouffent le grain à mesure qu’on le sème, des marécages vêtus d’une glace éternelle, et au milieu de cette nature désolée quelques tribus chétives, inintelligentes, vivant de la chasse ou servant dans les mines, sous les ordres des Européens, et vous aurez la Sibérie. Dans ce trajet se serait usée la vie d’un homme, et, quoiqu’il ait été glorieusement tenté, il y a quelques mois, par notre ambassadeur à Pékin et sa femme, il est permis de croire qu’aux temps éloignés où les missions commencèrent, quand ces contrées, inexplorées encore, n’offraient que mers de glaces sans routes et barbares populations, l’essai était impossible.

Il ne fallait pas songer à Constantinople ; les croisades nous avaient assez instruits des sentiments hostiles, implacables des sectateurs de l’islamisme ; et d’ailleurs comment songer à franchir 8,600 kilomètres à travers des montagnes inaccessibles et des peuplades qui, dans leur langage et leurs mœurs, diffèrent si fort des nations européennes ? Comment courir les périls que la haine des étrangers et des races a si fortement maintenus, même de nos jours ? Certes, je ne veux pas prétendre que la charité des Xavier, des Duhalde, des Charlevoix de toute cette pléïade de dominicains, de franciscains, de jésuites, de prêtres de la Mission, ne pût s’élever à la hauteur des plus grandes entreprises ; ils ont donné de l’abnégation chrétienne des exemples