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plaine et la colline des martyrs. Le peuple s’ébranla, et, semblable à la mer montante, qui renverse tout sur son passage, brisa les palissades, força les rangs des soldats… On courait, on courait de toutes parts au versant de la montagne, empressé de recueillir quelques gouttes du sang sacré qui coulait là-haut. « Encore une persécution comme celle-ci, murmura le Daïri consterné, et c’en est fait. Le christianisme est vainqueur. »

Pendant plus de soixante jours, les corps des suppliciés restèrent attachés à la croix, objets des visites pieuses des fidèles, de la terreur du Saogun, qui sentait se remuer au sein de son empire comme une lave qui gronde dans l’abîme d’un volcan. Le ciel lui-même, d’ailleurs, par des météores inconnus jusqu’à ce jour à l’extrême Orient, semblait donner des marques non équivoques de sa colère, et les Japonais effrayés regardaient toujours du côté de la sanglante colline.

Voilà ce qui nous est parvenu par les récits des témoins oculaires, et par la tradition locale, de cette persécution de Taïco-Sama qui ouvrit à ses successeurs la voie ensanglantée qu’ils n’ont que trop suivie. Nous ne poursuivrons pas le récit des horreurs dont fut le théâtre l’empire le plus propre à nos croyances ; je ne vous dirai pas la lutte de la foi populaire contre l’ambitieux, l’ombrageux orgueil des Saoguns qui se succédèrent tour-à-tour sur le trône de Jeddo. Ces pages lugubres se rencontrent à chaque pas dans l’histoire ecclésiastique de toutes les nations. Qu’il vous suffise de savoir que les vingt-six martyrs trouvèrent de nombreux imitateurs jusqu’au jour où devant la frénésie de Cubo-Sama, successeur de Taïco, les catholiques épuisés se retirèrent dans leur for intérieur et ne se crurent