Page:Lodoïx - Les saints martyrs japonais, 1863.pdf/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’épaule, sort presque toujours par le côté. Quelquefois cela se fait en même temps des deux côtés, et, si le patient respire encore, on redouble sur le champ, de sorte qu’un homme ne languit point dans ce supplice. »

Jamais peut-être spectacle plus sublime ne s’offrit aux yeux de l’humanité. Aux vociférations des bourreaux répondent de toutes parts les cantiques saints des martyrs. « Mourez, s’écriait-on dans les rangs pressés des néophytes, mourez et priez le Dieu que bientôt vous allez voir, de nous appeler au témoignage. » Vous dirai-je le courage de Paul Miki, prêchant du haut de sa croix, et, comme le divin Maître, répétant de temps à autre l’absolution sacrée : Pardonnez-leur, mon Dieu, car ils ne savent ce qu’ils font. Pierre Baptiste de l’Ascension, ordre de saint François, chantait le Magnificat et sa voix se mêlait à celle de ses co-martyrs.

Mais l’heure est venue, la piété ébranle les spectateurs, un long frémissement parcourt les rangs épais et la révolte est menaçante. Sur un signe, les hommes de la vengeance japonaise s’avancent, les lances se perdent dans le flanc des condamnés, qui, les yeux levés au ciel, semblent l’en remercier comme d’une grâce insigne, tandis que morne, le front baissé, le cœur plein de colère, la foule regarde stupéfaite, terrifiée, se demandant pourquoi la vertu est suspendue ainsi au gibet du crime, pourquoi l’on ceint d’épines ceux qu’elle aurait couronnés de roses.

Et le sang coulait, et tandis que soupirait et sanglotait l’assistance, des voix pures, inaltérées, chantaient à Dieu le dernier Hosannah de la terre. Le révérend Baptiste expira le dernier. Vous ne sauriez vous représenter, jeunes lecteurs, le tableau qu’offrirent alors la