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Au milieu de la place, un échafaudage se dresse, sombre et lugubre ; les bourreaux sont là debout, le sabre recourbé à la main, regardant vers l’orient d’un œil sinistre. Bientôt, au bruit des fanfares, le Daïri sort de la grande Pagode, affublé des vêtements somptueux et ridicules de sa dignité. Un long murmure accueille sa présence ; mais pas un cri d’enthousiasme ne se fait entendre ; le peuple du Japon, l’un des plus bienveillants parmi les orientaux, est d’une excessive timidité en face des grands, et c’est déjà un acte héroïque que de protester par son silence. Il le savait bien Taïco-Sama, lorsqu’il chargea le pontife de présider à la cérémonie sanglante, ne voulant pas, sans doute, exposer au mépris, sinon aux insultes de la populace, Sa Majesté Impériale !

À mesure que le chef des bonzes gravissait les degrés de l’estrade, sur laquelle s’élève le trône préparé pour l’horrible fête, des voix se font entendre… Ce ne sont pas des cris de malédiction, ce ne sont pas des blasphèmes. Non, ceux qui vont mourir s’inclinent devant Dieu, et, plus héroïques mille fois que les gladiateurs de Rome, bénissent la main qui les frappe pour les réunir à lui.

Mais le signal est donné ; il faut marquer les victimes pour la boucherie. Le Révérend Père Paul de Mirki, la lumière de l’Église japonaise, s’avance le premier, envié de tous ses compagnons de souffrances, et, suivant la coutume de l’Empire, il a l’oreille coupée. Qu’il s’échappe maintenant ; il est hors la loi, chacun pourra lui courir sus et le tuer, comme une bête sauvage, sans encourir aucune peine. Oh ! ce n’est pas dans le camp des martyrs que l’on compte jamais des déserteurs. Tour-à-tour ses vingt-cinq compagnons ont subi l’i-