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Paul Surquezy, catéchiste, François de Méaco, médecin ; Bonaventure, ancien bonze ; Jean Chimoya, domestique ; Thomas d’Anki, interprète ; Léon Taraïmaro et Paul Imarki, interprètes ; Gabriel de Duisco ; Cosme de Takuggia ; Michel Cosaqui, armurier ; Mathias, pourvoyeur aux vivres ; Joachim Saccaquibarra, infirmier ; Louis, Antoine, Thomas, trois enfants ; Pierre Cosaki et François Dunto.

C’était le 3 janvier 1597. Un jour splendide se levait sur Méaco, un beau jour certes pour le Daïri découronné, espèce de roi fainéant, qui réduit à ses fonctions religieuses, craignait encore de se les voir enlever. La place publique fut encombrée de bonne heure par la foule ; mais il n’y avait dans cette population immense aucune expression de menace ou de haine ; le silence le plus profond règne dans les rangs, silence désapprobateur, dont Taïco-Sama ne se donne aucune inquiétude, parce que les Japonais sont des esclaves, il le sait bien ; qu’importe que la tempête gronde au fond de leur âme, que leur cœur soit en proie à toutes les angoisses ? Ils se tairont, parce que deux anges de mort planent sur leurs têtes, le despotisme et la peur. Aussi vainement les cavaliers, leur sabre étincelant de dorures à la main, parcouraient-ils le champ réservé au supplice ; on ne songeait pas plus à les insulter qu’à leur applaudir. Mais il y avait là des douleurs muettes de sombres désespoirs, et les chrétiens comptaient plus d’amis que la multitude n’en laissait paraître. Dans notre Europe franche et bonne, on ne se fût pas ainsi maîtrisé ; les sympathies auraient éclaté tout d’abord, et le Saogun pas plus que le Daïri ne se serait hasardé à lutter contre la foule ; au Japon, on se tait par crainte si ce n’est par prudence ; on se tait et l’on souffre.