Page:Lodoïx - Les saints martyrs japonais, 1863.pdf/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’insulte publique s’y mêla, et quand la sublime résignation des Pères eut vaincu la haine de leurs ennemis, il fallut bien se rabattre sur les néophytes et semer la terreur à défaut de raison. L’esclave Saàla eut la gloire de voir son nom inscrit à la tête de celle liste sainte qui devait être longue à clore. Comme elle revenait de la réunion hebdomadaire, Marguerite se trouve face à face avec son maître ; le terrible Japonais tenait à la main un poignard aux riches ciselures. Saàla a tout compris et tombe à genoux au milieu du chemin, recommandant son âme à celui qui sur le Calvaire signa de son sang sa doctrine divine. Un instant après sa tête roulait dans la poussière et son âme montait au ciel.

On comptait à cette époque au Japon près de deux cent mille fidèles, assure Godescard, et la métropole de Méaco jouissait d’une magnificence inouïe, au grand désarroi du Daïri qui y fait son séjour. Il faut rapporter à cette époque un événement mémorable que l’année 1862 a vu se renouveler en France ; je veux parler de l’ambassade japonaise, envoyée par la chrétienté orientale à ses frères de l’Occident.

Rome se présentait alors sous l’auréole glorieuse dont l’a couronnée le premier disciple du Christ. La tiare avait depuis longtemps fait oublier le diadème des Empereurs, et, Ville sainte par excellence, elle ne s’attardait pas aux rêves ambitieux des Césars, qu’est venu raviver notre siècle. Ce fut dans le mois de février 1582 que l’ambassade prit le large, avant un voyage aventureux que nul n’avait jusqu’à ce jour tenté, avec Rome pour étoile polaire. L’Occident reçut les voyageurs avec les sentiments de l’hospitalité la plus fraternelle, et, quand ils rentrèrent dans leur patrie, ils eurent à faire des récits merveilleux sur les contrées