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lignes, cette Église, qui, comme ses ainées, devait croître dans le sang et triompher par le martyre. Qu’il vous suffise de savoir que le christianisme pénétra partout, à la cour, à l’armée, chez les seigneurs et parmi le peuple. Le Saogun, ou chef du pouvoir temporel, sembla le favoriser un instant ; oh ! ce n’était pas, comme nous verrons plus loin, que son âme se fût ouverte aux lumières de noire sainte religion ; mais il était heureux d’humilier, d’amoindrir aux yeux de la multitude le chef spirituel, le Daïri, dont l’autorité balançait la sienne. Aussi, plusieurs bonzes ayant abandonné les idoles, les protégea-t-il lui-même contre la fureur de leur chef.

Cette bienveillance toute politique n’empêcha pas de s’ouvrir l’ère des martyrs. Ce fut une pauvre esclave qui obtint la première palme. Baptisée par le Révérend Père Villela, elle avait reçu le doux nom de Marguerite en échange de celui de Saâla qu’elle portait dans ses premières années ; or, elle servait à Firando un païen et se rendait le matin et le soir, hors la ville, à l’assemblée des chrétiens, tenue encore autour d’une croix sur un petit monticule. Son maître s’aperçut de ses fréquentes absences et la suivit. Quelle ne fut pas sa fureur en la voyant se prosterner au milieu des maudits, devant le signe détesté de la domination étrangère. Ceci a besoin d’explication : une croyance avait été semée chez les grands, et le peuple l’accueillit avec indifférence sans doute, mais sous une impression mauvaise. La religion chrétienne, disait-on alors, n’est que l’avant-coureur des conquêtes politiques ; lorsque les Européens se sont créé des adeptes, des partisans par les dogmes, l’épée les suit de près. Aussi les Saoguns et les roitelets leurs vassaux s’armèrent-ils tout d’abord contre les missionnaires. On ne se contenta plus de la défiance ; le mépris,