de la Connoiſſance. Car I. de ce que je ne veux pas contredire un homme par reſpect, ou par quelque autre conſideration que celle de la conviction, il ne s’enſuit point que ſon opinion ſoit raiſonnable. II. Ce n’eſt pas à dire qu’un autre homme ſoit dans le bon chemin, ou que je doive entrer dans le même chemin que lui par la raiſon que je n’en connois point de meilleur. III. Dès-là qu’un homme n’a fait voir que j’ai tort, il ne s’enſuit pas qu’il ait raiſon lui-même. Je puis être modeſte, & par cette raiſon ne point attaquer l’opinion d’un autre homme. Je puis être ignorant, & n’être pas capable d’en produire une meilleure. Je puis être dans l’Erreur, & un autre peut me faire voir que je me trompe. Tout cela peut me diſpoſer peut-être à recevoir la Vérité, mais il ne contribuë en rien à m’en donner la connoiſſance ; cela doit venir des preuves, des Argumens, & d’une Lumiére qui naiſſe de la nature des choſes mêmes, & non de ma timidité, de mon ignorance, ou de mes égaremens.
§. 23.Ce que c’eſt que, Selon la Raiſon, Au deſſus de la raiſon, & Contraire de la Raiſon. Par ce que nous venons de dire de la Raiſon, nous pouvons être en état de former quelque conjecture ſur cette diſtinction des Choſes, entant qu’elles ſont ſelon la Raiſon, au deſſus de la Raiſon, & contraires à la Raiſon.
I. Par celles qui ſont ſelon la Raiſon j’entens ces Propoſitions dont nous pouvons découvrir la vérité en examinant & en ſuivant les Idées qui nous viennent par voye de Senſation & de Reflexion, & que nous trouvons véritables, ou probables par des déductions naturelles.
II. J’appelle au deſſus de la Raiſon les Propoſitions dont nous ne voyons pas que la vérité ou la probabilité puiſſe être déduite de ces Principes par le ſecours de la Raiſon.
III. Enfin, les Propoſitions contraires à la Raiſon ſont celles qui ne peuvent conſiſter ou compatir avec nos Idées claires & diſtinctes. Ainſi, l’exiſtence d’un Dieu eſt ſelon la Raiſon ; l’exiſtence de plus d’un Dieu eſt contraire à la Raiſon ; & la Reſurrection des Morts eſt au deſſus de la Raiſon. De plus, comme ces mots au deſſus de la Raiſon peuvent être pris dans un double ſens, ſavoir pour ce qui eſt hors de la ſphere de la Probabilité ou de la Certitude, je croi que c’eſt auſſi dans ce ſens étendu qu’on dit quelquefois qu’une choſe eſt contraire à la Raiſon.
24.La Raiſon & la Foi ne ſont point deux choſes oppoſées. Le mot de Raiſon eſt encore employé dans un autre uſage, par où il eſt oppoſé à la Foi : & quoi que ce ſoit là une maniére de parler fort impropre en elle-même, cependant elle eſt ſi fort autoriſée par l’uſage ordinaire, que ce ſeroit une folie de vouloir s’oppoſer, ou remedier à cet inconvenient. Je croi ſeulement qu’il ne ſera pas mal à propos de remarquer que, de quelque maniére qu’on oppoſe la Foi à la Raiſon, la Foi n’eſt autre choſe qu’un ferme Aſſentiment de l’Eſprit, lequel aſſentiment étant réglé comme il doit être, ne peut être donné à aucune choſe que ſur de bonnes raiſons, & par conſéquent il ne ſauroit être oppoſé à la Raiſon. Celui qui croit, ſans avoir aucune raiſon de croire, peut être amoureux de ſes propres fantaiſies, mais il n’eſt pas vrai qu’il cherche la Vérité dans l’eſprit qu’il la doit chercher, ni qu’il rende une obeïſſance légitime à ſon Maître