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De l’Exiſtence de Dieu. Liv. IV.

ce de raiſon, que de ſuppoſer que toute la Matiére eſt éternelle, mais qu’il y en a une petite particule qui ſurpaſſe tout le reſte en connoiſſance & en puiſſance ? Chaque particule de Matiére, en qualité de Matiére, eſt capable de recevoir toutes les mêmes figures & tous les mêmes mouvemens que quelque autre particule de Matiére que ce puiſſe être ; & je défie qui que ce ſoit de donner à l’une quelque choſe de plus qu’à l’autre, s’il s’en rapporte préciſément à ce qu’il en penſe en lui-même.

§. 16.III. Parce qu’un certain amas de Matiére non-penſante ne peut être penſant. En troiſiéme lieu, ſi donc un ſeul Atome particulier ne peut point être cet Etre éternel penſant, qu’on doit admettre néceſſairement comme nous l’avons dejà prouvé ; ſi toute la Matiére, en qualité de Matiére, c’eſt-à-dire, chaque partie de Matiére ne peut pas l’être non plus, le ſeul parti qui reſte à prendre à ceux qui veulent que cet Etre éternel penſant ſoit materiel, c’eſt de dire qu’il eſt un certain amas particulier de Matiére jointe enſemble. C’eſt là, je penſe, l’idée ſous laquelle ceux qui prétendent que Dieu ſoit materiel, ſont le plus portez à ſe le figurer, parce que c’eſt la notion qui leur eſt le plus promptement ſuggerée par l’idée commune qu’ils ont d’eux-mêmes & des autres hommes qu’ils regardent comme autant d’Etre materiels qui penſent. Mais cette imagination, quoi que plus naturelle, n’eſt pas moins abſurde que celles que nous venons d’examiner ; car de ſuppoſer que cet Etre éternel penſant ne ſoit autre choſe qu’un amas de parties de Matiére dont chacun eſt non-penſant, c’eſt attribuer toute la ſageſſe & la connoiſſance de cet Etre éternel à la ſimple juxtapoſition des Parties qui le compoſent ; ce qui eſt la choſe du monde la plus abſurde. Car des parties de Matiére qui ne penſent point, ont beau être étroitement jointes enſemble, elles ne peuvent acquerir par-là qu’une nouvelle relation locale, qui conſiſte dans une nouvelle poſition de ces differentes parties ; & il n’eſt pas poſſible que cela ſeul puiſſe leur communiquer la Penſée & la Connoiſſance.

§. 17.Soit qu’il ſoit en mouvement ou en repos. Mais de plus, ou toutes les parties de cet amas de matiére ſont en repos, ou bien elles ont un certain mouvement qui fait qu’il penſe. Si cet amas de matiére eſt dans un parfait repos, ce n’eſt qu’une lourde maſſe privée de toute action, qui ne peut par conſéquent avoir aucun privilege ſur un Atome.

Si c’eſt le mouvement de ſes parties qui le fait penſer, il s’enſuivra de là, que toutes ſes penſées doivent être néceſſairement accidentelles & limitées ; car toutes les parties dont cet amas de matiére eſt compoſé, & qui par leur mouvement y produiſent la penſée, étant en elles-mêmes & priſes ſeparément, deſtituées de toute penſée, elles ne ſauroient régler leurs propres mouvemens, & moins encore être réglées par les penſées du Tout qu’elles compoſent ; parce que dans cette ſuppoſition, le Mouvement devant préceder la penſée & être par conſéquent ſans elle, la penſée n’eſt point la cauſe, mais la ſuite du mouvement ; ce qui étant poſé, il n’y aura ni Liberté, ni Pouvoir, ni Choix, ni Penſée, ou Action quelconque réglée par la Raiſon & par la Sageſſe. De ſorte qu’un tel Etre penſant ne ſera ni plus parfait ni plus ſage que la ſimple Matiére toute brute, puiſque de réduire tout à des mouvemens accidentels & déreglez d’une Matiére aveugle, ou bien à des penſées