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ESSAI
PHILOSOPHIQUE
CONCERNANT
L’ENTENDEMENT HUMAIN.



LIVRE PREMIER.

DES NOTIONS INNÉES.



CHAPITRE I.

Qu’il n’y a point de Principes innez dans l’Eſprit de l’Homme.


§. 1.La maniére dont les Hommes acquiérent leurs connoiſſances prouve que ces connoiſſances ne ſont point innées.
* Κοιναὶ ἔννοιαι

Il y a des gens qui ſuppoſent comme une Vérité inconteſtable, Qu’il y a certains Principes innez, certaines Notions primitives, autrement appellées * Notions communes, empreintes & gravées, pour ainſi dire, dans notre Ame, qui les reçoit dès le premier moment de ſon exiſtence, & les apporte au monde avec elle. Si j’avois à faire à des Lecteurs dégagez de tout préjugé, je n’aurois, pour les convaincre de la fauſſeté de cette Suppoſition, qu’à leur montrer, (comme j’eſpere de le faire dans les autres Parties de cet Ouvrage) que pour les hommes peuvent acquerir toutes les connoiſſances qu’ils ont, par le ſimple uſage de leurs Facultez naturelles, ſans le ſecours d’aucune impreſſion innée ; & qu’ils peuvent arriver à une entiére certitude de certaines choſes, ſans avoir beſoin d’aucune de ces Notions naturelles, ou de ces Principes innez. Car tout le Monde, à mon