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& Diverſité. Liv. II.

tuë une idée ſpecifique, deſignée, par un certain nom, ſi cette idée eſt conſtamment attachée à ce nom, la diſtinction de l’Identité ou de la Diverſité d’une Choſe ſera fort aiſée à concevoir, ſans qu’il puiſſe naître aucun doute ſur ce ſujet.

§. 29. Suppoſons par exemple qu’un Eſprit raiſonnable conſtituë l’Idée d’un Homme, il eſt aiſé de ſavoir ce que c’eſt que le même Homme ; car il eſt viſible qu’en ce cas-là le même Eſprit, ſeparé du Corps, ou dans le Corps, ſera le même homme. Que ſi l’on ſuppoſe qu’un Eſprit raiſonnable, vitalement uni à un Corps d’une certaine configuration de partie conſtituë un homme, l’homme ſera le même, tandis que cet Eſprit raiſonnable reſtera uni à cette configuration vitale de parties, quoi que continué dans un Corps dont les particules ſe ſuccedent les unes aux autes dans un flux perpetuel. Mais ſi d’autres gens ne renferment dans leur idée de l’Homme que l’union vitale de ces parties avec une certaine forme extérieure, un Homme reſtera le même auſſi long-temps que cette union vitale & cette forme reſteront dans un compoſé, qui n’eſt le même qu’à la faveur d’une ſucceſſion de particules, continuée dans un flux perpetuel. Car quelle que ſoit la compoſition dont une Idée complexe eſt formée, tant que l’exiſtence la fait une choſe particuliére ſous une certaine denomination, la même exiſtence continuée fait qu’elle continuë d’être le même individu ſous la même denomination.



CHAPITRE XXVIII.

De quelques autres Relations, & ſur-tout, des Relations Morales.


§. 1.Relations proportionnelles.
OUtre les raiſons de comparer ou de rapporter les choſes l’une à l’autre, dont je viens de parler, & qui ſont fondées ſur le temps, le lieu & la cauſalité, il y en a une infinité d’autres, comme j’ai déja dit, dont je vais propoſer quelques-unes.

Je mets dans le prémier rang toute Idée ſimple qui étant capable de partie & de dégrez, fournit un moyen de comparer les ſujets où elle ſe trouve, l’un avec l’autre, par rapport à cette Idée ſimple ; par exemple, plus blanc, plus doux, plus gros, égal, davantage, &c. Ces Relations qui dépendent de l’égalité & de l’excès de la même idée ſimple, en différens ſujets, peuvent être appellées, ſi l’on veut, proportionnelles. Or que ces ſortes de Relations roulent uniquement ſur les Idées ſimples que nous avons reçuës par la Senſation ou par la Reflexion, cela eſt ſi évident qu’il ſeroit inutile de le prouver.

§. 2.Relations naturelles. En ſecond lieu, une autre raiſon de comparer des choſes enſemble, ou de conſiderer une choſe en ſorte qu’on renferme quelque autre choſe dans cette conſideration, ce ſont les circonſtances de leur origine ou de leur commencement qui n’étant pas alterées dans la ſuite, fondent des relations qui durent auſſi long-temps que les ſujets auxquels elles appartiennent, par exemple, Pére & Enfant, Fréres, Couſins-germains, &c. dont les Rela-